[Emma Gounot, présidente de l'association La Sauvegarde]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRP07151 004
technique 1 photographie négative : noir et blanc ; 24 x 36 mm
historique Après avoir incarné ce que l'action sociale a de plus accompli, Emma Gounot quitte la présidence de La Sauvegarde. Portrait d'une dame qui a osé défendre des valeurs à contre-courant et qui plaide pour un supplément de cohérence. Editorialiste à ses heures, elle signait il y a peu un texte destiné aux cinq cents salariés des établissements qu'elle présidait et débutait ainsi : "Nous, La Sauvegarde, nous croyons que chaque être humain, même le plus démuni intellectuellement ou socialement, est capable d'évolution, qu'il est une personne, capable de devenir un peu plus autonome, un peu plus responsable, un peu plus acteur de sa vie. Notre travail est de l'aider à développer ses potentialités et nous ne refusons pas les cas les plus difficiles, ceux qui souvent sont refusés ailleurs". Elle, Emma Gounot, a incarné vingt années durant l'esprit de La Sauvegarde, cette association cinquantenaire dont elle abandonne la présidence et qui se bat sur le front de l'action éducative, de l'hébergement, de la rééducation psychothérapique, de l'insertion, quand d'autres ont renoncé. Elle, Emma Gounot, est plus encore la mémoire vivante et active d'un militantisme, né dans la mouvance de la Chronique Sociale, que redécouvre, par nécessité, une nouvelle génération d'éducateurs. Le social, à l'en croire, elle est tombée dedans lorsqu'elle était petite fille et c'est à l'atavisme, au modèle paternel en l'occurrence, qu'elle devrait tout : "Mon père avait tracé la voie, j'ai adopté son goût pour une action sociale qui n'avait rien de politique au sens restreint du terme". Jeune avocate, le premier détenu à qui elle rendra visite, au parloir, est un client de son père, Emmanuel Mounier, fondateur de la revue "Esprit", et dès lors elle fait de l'indépendance son parti. Les amis avec lesquels elle avait refusé le mouvement unique imposé à la jeunesse par Vichy, se dirigent vers le Radicalisme ou le PS, pas elle, qui toujours préférera les contrecourants. Enfin, inscrite au barreau 23 ans durant, professeur de droit civil à la faculté catholique, elle devient le premier directeur de l'Institut des sciences de la famille. C'était à la fin des années soixante, la France n'avait d'yeux que pour sa jeunesse, la notion de couple était théorisée autour de la seule sexualité, le foyer était accusé de sécréter des valeurs réactionnaires et, pourtant, "nous étions quelques-uns à penser que la famille était une idée d'avenir". Et à savoir que les adultes, eux aussi, les assistantes sociales notamment, exprimaient un immense désir de formation. L'Institut est aujourd'hui, en France, une des plus grosses machineries à penser et à répertorier les pratiques familiales... Quand Emma Gounot entre en tant qu'administrateur à La Sauvegarde, en 1961, c'est cette fois au développement d'une institution qu'elle concourt. "Le fonctionnement était alors moins difficile, les populations concernées et la réglementation moins compliquées et puis nous étions au coeur des trente glorieuses, l'argent de l'action sociale, il suffisait de le demander pour l'obtenir". En 1974, lorsqu'elle prend une présidence dont personne ne veut, un âge d'or s'achève, la société française est sur la voie de la fracture et La Sauvegarde choisit de réaffirmer sa philosophie, l'ouverture et le professionnalisme ou plutôt le professionnalisme et l'ouverture, "parce que lorsqu'on sait s'y prendre, on est beaucoup plus tolérant et donc efficace". Toutes les enquêtes médicales menées dans les établissements gérés par La Sauvegarde ont confirmé le propos et c'est une association en accord avec ses objectifs, plus que jamais à l'écoute des mineurs en errance, qu'Emma Gounot abandonne à son successeur, Robert Thalvard. En regrettant sans doute qu'une des plus stupides batailles du champ social soit toujours en cours, celle liée "aux incohérences de la décentralisation", à ces blocs de compétences supposées complémentaires et qui ont bien du mal à le devenir. Il lui faudra donc encore plaider, au sein des organismes où elle conserve quelques mandats, pour que les administrations cessent de saucissonner les dossiers. "Un être humain en difficulté, dit-elle, est à prendre dans sa totalité". Enoncée par une dame plus très jeune, cette très vieille idée a de l'avenir. Source : "Elle, Emma Gounot" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 29 novembre 1994, p.2.
note à l'exemplaire Ce reportage photographique contient 17 négatifs.
note bibliographique La Croix, 27 février 2017. - Familles et temps / sous la dir. de Valérie Aubourg et Georges Eid, 2016, p.17-21 [BM Lyon, SOC 432].

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